L'incident du vendredi soir 2 mars 2018

Printer-friendly versionSend by email

Le Père Recteur
JR/3883/18

Jamhour, le 07 mars 2018

À toute la communauté du Collège Notre-Dame de Jamhour

Objet : l'incident du vendredi soir 2 mars 2018 (fichier en pdf 115kb)

 

Chers élèves, chers parents et chers enseignants,

Notre communauté reste très secouée et profondément attristée par ce qui s'est passé la nuit du vendredi 2 mars 2018 entre des élèves du Collège. Ce que nous avons vu et entendu constitue une première dans la vie du Collège qui ne peut être ni tolérée ni admise, car cette première est bien mauvaise ! Aucune complaisance ou justification ne saurait être acceptée. La manière avec laquelle notre élève Karl Knaider a été battu, cet acharnement aveugle contre un de nos élèves est injustifiable et inexcusable!

Notre communauté ne peut tolérer des élèves dont le comportement a atteint un degré de méchanceté sans précédent dans l'histoire du Collège. Pour cette raison, nous avons pris les décisions nécessaires à l’égard des élèves qui ont commis ces exactions et nous en prendrons d'autres à l’égard de tout élève ou de toute personne qui agirait contre les valeurs fondamentales du Collège et contre l’esprit de camaraderie qui a toujours distingué les membres de notre communauté. La décision est nette : il n’y a pas de place à la délinquance parmi nous !

Ce qui s'est passé n'est pas un objet dont nous pouvons être fiers ! Cependant nous sommes tous invités à réfléchir sur cet incident grave et à en tirer les leçons nécessaires à notre vivre ensemble.

Je m'adresse d'abord à vous, élèves du Collège, pour vous dire que je suis rassuré de voir la majorité d’entre vous révoltée par ce qui s'est passé. Votre réaction est tout à fait saine et bien à sa place. Ce qui s'est passé nous oblige tous à avoir une « tolérance zéro » pour tout ce qui est harcèlement sous toutes ses formes. Dorénavant, vous ne devez accepter aucun comportement qui touche à la dignité de vos camarades ou qui risque de mettre leur santé ou même leur vie en danger. Plus jamais de complaisance par rapport au bullying ! Ni en classe, ni sur la cour de récréation, ni dans vos rencontres, ni pendant vos soirées, ni sur les réseaux sociaux ! Nous sommes tous responsables les uns des autres. Œuvrons tous pour qu’un tel drame ne se répète plus au sein de notre communauté.

Je m'adresse ensuite à vous, parents, pour exprimer avec vous ma peur et ma désolation face à de telles exactions qui ont lieu, hélas, entre nos élèves, nos enfants… Sachez que votre souci est d'abord le nôtre et nous sommes tous appelés à un degré supplémentaire de vigilance et de fermeté. Soyez rassurés que notre Collège ne bradera jamais ni ses valeurs ni ses bonnes traditions pédagogiques et éducatives. Cependant, je dois vous rappeler une évidence que certains « champions des réseaux sociaux » ont oubliée... Il est clair que le Collège ne peut pas gérer les détails de la vie relationnelle de vos enfants surtout quand il s'agit de leur vie privée et de leur vie sociale à l’extérieur du Collège. Les soirées et les weekends des élèves relèvent de la responsabilité directe des parents. C’est un principe de base de la relation parents-école! Nous n'avons ni les moyens ni le rôle d’accompagner les enfants en dehors de l’horaire scolaire. Par ailleurs, nous ne cessons de nous remettre en question pour voir si nous faisons ce que nous devons faire à l'école, mais c’est à vous, chers parents, de participer au même effort. Comme vous demandez au Collège d’être ferme dans ses décisions, je vous demande de veiller davantage à la vie sociale de vos enfants, d’être un peu plus fermes avec eux et de ne pas oublier que, même à 17 ans, ils demeurent mineurs devant la loi.

Je ne peux pas m’empêcher, pour la seconde fois cette année, de m'adresser à une minorité parmi vous que j'appelle « les champions des réseaux sociaux ». Cette minorité de notre communauté qui manque parfois au minimum de respect à l’égard de l'institution à qui elle a confié ses enfants, qui s’évertue à critiquer le Collège et sa direction à n'importe quelle occasion, à temps et à contretemps, sans faire le moindre effort de vérifier les rumeurs glanées sur les pages du WhatsApp ou du Facebook, cette minorité parasite doit être conséquente sur toute la ligne… À ces personnes, je rappelle que si elles n'ont pas confiance en la direction du Collège, et c'est tout à fait leur droit, si elles continuent à être insatisfaites de tout, elles n'ont qu'à prendre les décisions qui leur conviennent à la fin de l’année. Notre relation est basée sur la confiance, si cette confiance est systématiquement remise en question, il leur sera nécessaire de trouver un milieu scolaire plus sain et pour eux et pour leurs enfants.

À vous aussi, chers collègues et enseignants, je dis que l'incident de vendredi dernier nous a touchés de plein fouet ! Comment comprendre qu'une telle méchanceté et qu'une telle violence aient lieu parmi nos êtres les plus chers, parmi des élèves que nous avons éduqués pendant plusieurs années de leur vie. Nous ne pouvons pas ne pas éprouver un certain échec face à cet incident et une certaine amertume face à cette expérience du mal qui se manifeste chez les grands comme chez les petits. À nous de transformer cet échec en quelque chose de constructif. Vous devez tous en tirer la leçon. La politique de la « tolérance zéro » face au bullying doit animer toutes vos pratiques éducatives. À vous de ne pas tolérer le harcèlement en classe, qu'il soit entre les élèves ou entre les élèves et les adultes. Une petite complaisance en la matière peut conduire à un drame par ailleurs. Comme vous le savez, la vie de Karl Knaider a été sauvée de justesse et la Providence Divine a envoyé deux mères de famille qui n'appartiennent pas à notre communauté pour le sauver. Ce que j'ai dit aux parents concernant leurs enfants s'applique, à plus forte raison, à vous. Poursuivons nos efforts pour mener à bien notre mission aussi difficile qu'importante et ne nous laissons pas emporter par des sentiments de découragement et de désespoir. Malgré tous les défis auxquels vous êtes confrontés, votre métier demeure une vocation combien nécessaire dans un pays comme le Liban !

Je tiens finalement à assurer toute notre communauté de l'engagement de la direction du Collège envers chaque élève même celui qui s'avère fautif et qui s’est laissé entraîner par la méchanceté et par la haine. Je comprends tout à fait vos appels à une justice claire et ferme à l’égard de tout élève qui n’a pas le minimum requis pour le vivre ensemble. Mais je tiens en même temps à vous rappeler que la justice qui s'applique à l’école, surtout dans une école de tradition humaine et chrétienne, ne peut être qu'une justice éducative. Cette justice ne saurait être exercée comme un acte de vengeance ou dans l'esprit d'un règlement de compte. Nous sommes tenus à éduquer tout élève, même le plus fautif et le plus méchant… Après tout, il demeure notre élève et votre enfant même si les mesures disciplinaires prises à son égard sont d'une grande sévérité. À ce titre, je fais appel à votre conscience de parents et d’éducateurs pour calmer la tempête suscitée par ce qui s'est passé vendredi dernier et pour prendre le temps nécessaire à une réflexion calme et constructive pour pouvoir continuer notre service auprès de tous nos élèves.

Que Notre Dame de Jamhour veille sur notre communauté et sur nos enfants, qu'elle nous épargne à l’avenir de telles épreuves et qu'elle nous donne la sagesse et le courage de prendre les décisions nécessaires à la vie et à la prospérité de notre communauté.

P. Charbel Batour, S.J.
Recteur