L'Orient-Le Jour : Joe Saddi à « L’OLJ » : S’il n’y avait pas d’éducation de haute qualité à Jamhour, beaucoup de familles seraient parties

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Liban >  Entretien
Sylviane ZEHIL , à New York | OLJ - 04/12/2018

L’ex-PDG mondial de Booz and Co, une des grandes compagnies mondiales de conseil en stratégie, Joe Saddi (promo 1976 du collège de Jamhour), était l’invité d’honneur de la quinzième soirée de levée de fonds au profit du Collège Notre-Dame de Jamhour et ses neuf réseaux. L’entretien qu’il a accordé à L’Orient-Le Jour et la conversation à bâtons rompus, lors de l’événement, mené par le Dr Gabriel Sara (promo 1972), membre fondateur et ex-président de l’association Jamhour Alumni US (JAUS), dévoilent le cheminement d’un leader dans le monde du conseil en stratégie. Cette réussite professionnelle, Joe Saddi affirme la « devoir à Jamhour qui m’a bien préparé. C’est à partir de là que j’ai décidé de m’impliquer dans des causes éducatives, culturelles et philanthropiques et d’y contribuer autant que possible. S’il n’y avait pas l’éducation de haute qualité à Jamhour, beaucoup de familles seraient parties », « assure-t-il à L’Orient-Le Jour.

Parcours fulgurant

Né au Liban en 1959, ce dirigeant franco-libanais d’une des entreprises mondiales n’avait pourtant » aucune idée de ce qu’il allait faire en quittant Jamhour. Ce qu’il voulait, « c’était d’aller étudier à l’étranger », confie-t-il à Gabriel Sara lors de l’événement de JAUS à l’intention des jeunes anciens. Après des études de commerce à l’ESSEC puis à Cornell University, Joe Saddi devient « conseiller en stratégie par hasard » en intégrant, à Paris, Bain and Company, une des trois grandes compagnies mondiales de conseil, basée à Boston, qui conseille les dirigeants sur la stratégie, le marketing, l’organisation, les opérations, l’informatique et les fusions et acquisitions dans tous les secteurs. Il s’installe en 1993 à Abou Dhabi où il démarre avec Charles el-Hage, son collègue de Jamhour, Booz Allen Hamilton, le premier bureau de conseil américain au Moyen-Orient.


Joe Saddi en conversation avec le Dr Gabriel Sara.

Le changement d’opérations se produira en 2000 lorsqu’il prend la décision de quitter les Émirats pour ouvrir le bureau de Beyrouth, qui devient le siège régional. « C’est le seul exemple de boîte de conseil mondial ayant son siège régional au Liban, avec un effectif de 350 à 400 personnes dont les deux tiers sont basés à Beyrouth. Nous y sommes restés malgré la guerre de 2006 et le fameux 7 mai 2008 », note-t-il. Joe rejoindra en 2006 Booz Allen Hamilton à Mc Lean, Virginia, qui avait alors deux unités : l’une de conseil au gouvernement américain, et l’autre de conseil en stratégie. La première unité sera vendue, en 2008, à Carlyle Group, et l’unité du conseil en stratégie, qui était basée à New York, change de nom social pour devenir Booz and Co, du nom de son fondateur américain en 1914.

Joe Saddi devient président du conseil d’administration mondial de la compagnie faisant la navette, toutes les deux semaines, entre New York et Beyrouth. En 2014, Joe Saddi et Charles el-Hage vendent la compagnie à Price Waterhouse Cooper (PWC). À la retraite depuis quelques mois, Joe Saddi, qui travaille deux jours par semaine, agit en tant que conseiller en stratégie d’une grande clientèle basée en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.

 

Quelle marque a-t-il laissé à Booz and Co ?

En créant deux nouveautés qui ont contribué à sa grande notoriété : en attirant un grand nombre de jeunes diplômés libanais des grandes universités américaines et européennes à venir travailler à Beyrouth en leur offrant les mêmes conditions de travail et des salaires internationaux, et en parrainant chaque année la formation de 35 jeunes Libanais, dans les grandes universités aux États-Unis ou à l’Insead à condition qu’ils reviennent travailler pendant deux ans au Liban.

L’éducation, « pilier du Liban »

L’éducation secondaire acquise à Jamhour a joué un rôle-clé dans sa vie. « Je pense toujours que je dois beaucoup à Jamhour : c’est une discipline de travail, une rigueur et une certaine culture générale qui m’ont permis de me sentir à l’aise dans le domaine professionnel. C’est aussi une certaine vision et une façon d’aborder les autres. Je sens que je dois beaucoup à Jamhour dans mon parcours professionnel. Jamhour m’a bien préparé. À partir de là, j’ai décidé de m’impliquer dans des causes, de contribuer là où je pouvais le faire », répète-t-il. C’est ce qui explique son rôle actif dans la direction du collège en tant que vice-président de l’amicale des anciens de Jamhour – la présidence restant assurée par l’ancien ministre Michel Eddé – et président de la Mutuelle des bourses pour les anciens de Jamhour, ainsi que sa contribution dans la mise en place du Fonds de dotation ou « Endowment Fund » pour le collège.

Création du Fonds de dotation

« L’éducation est le pilier du Liban et un passeport pour nos enfants qui leur permet de poursuivre des études supérieures dans les plus grandes universités américaines et européennes et de travailler partout. C’est une des raisons pour lesquelles une grande partie d’entre nous a choisi de rester au Liban, souligne-t-il. Mais cette éducation est menacée de survie sur le plan financier avec l’augmentation des salaires des enseignants. Il faut qu’ils soient bien payés pour avoir les meilleurs. Les familles ne sont toutefois pas en mesure de payer les scolarités. Un collège doit continuellement investir en technologie, dans le campus, dans les facilités aux élèves et dans les bourses, d’où l’application de chacun de nous pour assurer cette survie », appelle-t-il.

Pour cela, « le père recteur Charbel Batour s.j. a eu la vision de créer un fonds de dotation ». Ayant l’expérience de mise en place d’autres fonds similaires dans la région et ailleurs, le père recteur fait appel à M.Saddi pour contribuer à sa mise en place avec la structure, le conseil d’administration, les mécanismes et la gouvernance. « Ce fonds sera annoncé par le recteur dans les mois qui viennent. La gouvernance, la création des comités de levée de fonds et des suivis des investissements, ainsi que le comité pour les projets d’école ont été créés. Toute l’infrastructure du fonds est maintenant prête. L’effort de levée des fonds a déjà commencé sans le lancement d’une campagne officielle », explique-t-il.

Éducation, philanthropie et culture

À la « retraite », Joe Saddi s’est engagé dans une fascinante action éducative, philanthropique et culturelle. Ayant plus d’une corde à son arc, il s’est fortement impliqué dans des causes telles que : Himaya pour la prévention de la maltraitance des enfants, Skoun pour la prévention de la toxicomanie, Road for Life que son entreprise Booz & Co avait mise en place pour collecter des fonds et former les équipes médicales d’intervention d’urgence au Liban, pour venir en aide des accidentés de la route, et le Marathon de Beyrouth qu’il a contribué à mettre sur pied. Le travail avec l’ex- ministre de la Culture, Rony Arayji, et son équipe sur un plan stratégique « Culture » dans tous ses aspects au Liban lui a permis d’approfondir les dossiers et tous les aspects culturel du pays. À la tête du conseil d’administration du musée d’art moderne de Beyrouth (BeMa) consacré à l’art libanais, Joe Saddi apportera son talent de stratège culturel pour mener à bien cette nouvelle gageure. Toutes ces actions éducatives, culturelles et philanthropiques font « partie de la résistance au Liban. Les deux piliers du Liban sont l’éducation et la culture. Défendre cette culture est très important », assure-t-il.

(Source :https://www.lorientlejour.com/article/1146601/joe-saddi-a-lolj-sil-ny-av...)