Lettre importante du Père Recteur : parents CNDJ et CSG

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[en version pdf 673kb]   [النشرة : رئيس مدرسة الجمهور:اليسوعيون يطرحون سؤالا جديا حول المحافظة على المدرسة]
 

Le Père Recteur
JR/3849/17

Jamhour, le 1er décembre 2017

Chers parents,

J’ai longtemps attendu avant de vous écrire cette lettre pendant cette année de crise qui traverse tout le secteur scolaire privé au Liban. Après plus de quatre mois de négociations et de contacts menés à tous les niveaux, aidé par plusieurs d’entre vous et beaucoup d’amis du Collège, je livre le diagnostic suivant :

La manière brutale et irréfléchie de nous imposer une augmentation drastique au mois d’août[1]a constitué une agression sans précédent contre les écoles privées et a laissé ces écoles dans la tourmente. Les responsables politiques ont très mal géré ce dossier et n’ont pas pris en compte les intérêts élémentaires de l’ensemble de la population. D’un côté, ils ont voté hâtivement la loi 46 sans prévoir ses conséquences désastreuses sur les parents d’élèves, de l’autre, ils ont laissé le champ libre au syndicat des enseignants d’interpréter la loi à sa manière et de paralyser les écoles par une série de grèves pour accélérer le paiement de l’augmentation. À travers les médias, une guerre sans précédent a été livrée contre les écoles catholiques, faisant porter à ces écoles la responsabilité de tous les maux du pays… À entendre les médias parler du dossier scolaire, on croirait que les écoles catholiques sont responsables de la crise économique, du déplacement des Libanais et de toutes sortes de maux financiers du pays. Il s’est avéré que le premier souci de nos responsables politiques était la victoire aux prochaines élections législatives où les professeurs exerceraient, d’après eux, une grande influence. Selon leurs calculs politiques, les parents d’élèves, dont le nombre dépasse au moins dix fois l’ensemble du corps professoral, n’auraient aucune influence réelle sur ces fameuses élections ! Je peux témoigner et dire que nous n’avons trouvé aucun député ou responsable pour nous aider vraiment à traverser la crise… Beaucoup de promesses nous ont été faites ; aucune action réelle n’a été entreprise ! Le secteur privé au Liban a été livré à lui-même… comme si nous n’avions pas de responsables politiques capables de défendre la noble mission de l’éducation au Liban. Ils sont incapables de voir les effets historiques irréversibles sur la qualité de l’éducation et sur la population qui en profitera.

Chers parents, l’éducation assurée par l’école privée a fait tout simplement le Liban. Une école comme Jamhour a été fondée à Ghazir en 1850, soixante-dix ans avant la déclaration du Grand Liban. La crise actuelle met en danger toutes les écoles comme Jamhour, en particulier les écoles catholiques dont la mission est avant tout l’éducation offerte à tous. D’après les études menées par un ensemble d’experts scolaires, 150 des 317 écoles catholiques seraient menacées de fermeture. Il s’agit de petites écoles de moins de 400 élèves et qui se trouvent dans les zones périphériques du pays. Même les grandes écoles comme Jamhour ne sont pas à l’abri de ce danger. Dans le meilleur des cas, elles risquent de devenir des écoles réservées à une classe sociale privilégiée… alors que nous avons toujours voulu que Jamhour soit une école où les élèves de toute couche sociale se rencontrent, vivent ensemble, et forment une véritable communauté. C’est le même esprit qui anime nos 2320 écoles jésuites de par le monde[2]. Avec cette attitude irresponsable à l’égard de nos écoles, Jamhour, comme toutes les écoles catholiques du pays, risque d’être réservé à une minorité d’élèves, aux « happy few » ! C’est pourquoi les Jésuites se posent sérieusement la question de savoir quel sens il y aurait à conserver une école qui ne serait pas animée par leur esprit d’ouverture, leur tradition pédagogique et le souci de leur mission. Contrairement à ce que beaucoup pensent, une institution phare comme le CNDJ/CSG est loin de voir son avenir garanti, je ne parle pas en termes de décennies mais en termes de mois !

En fait, nous n’avons jamais refusé le principe de l’augmentation des salaires du corps enseignant. L’année dernière, je vous ai rappelé que des augmentations importantes étaient à l’horizon. En revanche, nous n’avons jamais imaginé cette manière d’agresser le système scolaire avec des augmentations de l’ordre de 43,88% des salaires et des charges sociales imposées d’un coup à notre établissement. C’est du jamais-vu dans l’histoire de l’éducation au Liban et aucune institution ne pourrait supporter d’un coup une telle aberration. Prélevant des taxes sur l’ensemble de la population libanaise pour payer les augmentations à ses propres fonctionnaires, l’État ne s’est pas soucié de savoir comment les écoles privées allaient payer cette augmentation. Il n’a même pas envisagé un échelonnement rationnel de cette augmentation dans le secteur privé. Deux poids, deux mesures ! Il a imposé aux écoles privées une loi conçue pour le secteur public, en leur demandant de trouver elles-mêmes les moyens de l’interpréter et de l’appliquer. C’est le paroxysme de l’irresponsabilité politique !

Par ailleurs, j’attire votre attention sur le fait que la nouvelle loi impose non seulement l’augmentation des salaires de base mais un ajout de 6 échelons exceptionnels fortement contesté par le secteur privé[3]. De plus, certaines interprétations de la loi iraient jusqu’à accorder à chaque professeur 20 mois de rétroactif sur « l’avance sur la cherté de vie » de 2012 à 2014, ce qui constitue une aberration juridique sans précédent. Par contre, nous trouvons que l’augmentation sur les salaires de base, qui est de l’ordre de 38% en moyenne et qui inclut logiquement l’avance sur la cherté de vie déjà payée à partir de 2014, est une augmentation légitime. Elle représente une augmentation de presque 13% sur la scolarité moyenne, tandis que les 6 échelons exceptionnels continuent à faire l’objet de tractations interminables entre les directions des écoles privées et le syndicat des enseignants. Au cas où il s’avérerait que ces 6 échelons doivent être accordés par la loi, il faudrait encore augmenter la scolarité d’un autre 13%. Quant au rétroactif sur la cherté de vie, il ne sera jamais accordé même si les écoles privées doivent fermer leurs portes.

D’après nos calculs faits plusieurs fois depuis le début de la crise, l’augmentation qui inclurait celle sur le salaire de base et celle des échelons sera de l’ordre de 24,69 %[4], ce qui se traduit par une augmentation de 1 717 376 LL par élève. Si vous vous étonnez de ce taux élevé, je vous rappelle que Jamhour est en train d’accorder 86,2% des scolarités en salaires au corps enseignant et aux employés de l’école, soit 21 % en plus de ce que la loi du budget scolaire exige. Sans parler d’un bon nombre de familles qui sont incapables de payer la scolarité de leurs enfants avant[5] même les augmentations en question et sans oublier le système de soutien social exceptionnel instauré à l’école et dont bénéficient l’ensemble des salariés de Jamhour. Propriétaire du Collège, la Compagnie de Jésus renonce à son droit de prélever les 15 % des rentrées scolaires, qui lui reviennent selon la loi. Elle contribue par ailleurs à l’entretien de l’école, car les 13,8 % restant des scolarités ne suffisent guère. Par leur générosité et leur fidélité, beaucoup d’entre vous aussi aident le Collège par leur choix des options B, C, et D et contribuent parfois aux différents frais de fonctionnement de l’institution[6].

La solution pacifique qui nous reste, c’est de payer ces augmentations sur une durée de quelques années, 3 ou 4 ans par exemple. Cela a été la position du Collège dès les premiers moments de la crise[7]. D’autres formes d’échelonnement sont aussi envisageables. Mais cela exige l’aval du comité des parents, dont la tâche semble une des plus difficiles au cours de ces 30 dernières années. Je voudrais vous inviter à entrer en contact avec votre nouveau comité qui signera à votre place les augmentations au mois de janvier et je vous invite, aujourd’hui plus que jamais, à une solidarité qui a toujours distingué notre communauté.

Dans ce contexte et à l’approche des fêtes, je voudrais attirer votre attention sur une pratique nuisible aux relations entre les parents d’élèves et le corps enseignant. Je vous demande, au nom de la confiance qui nous lie, de ne plus envoyer de cadeaux avec vos enfants au Collège.    Le vrai cadeau aux professeurs, c’est votre acceptation des augmentations dont ils vont bénéficier prochainement et qui sont prévues par la loi. Offrir des cadeaux est une pratique qui nuit au professionnalisme des enseignants et qui peut constituer une véritable tentation, au sens humain et spirituel du terme. Cela pose, chaque année, d’énormes problèmes à beaucoup de familles qui se sentent obligées, par pur conformisme social, d’offrir des cadeaux qui pèsent sur leur budget.

Pour dissiper tout malentendu, permettez-moi de souligner que l’éducation à la reconnaissance est au cœur de la pédagogie jésuite. En revanche, faire rentrer les élèves dans la culture consumériste de la société libanaise n’est pas leur rendre service. La reconnaissance se traduit par un petit geste, par une parole sincèrement exprimée, écrite sur une belle carte ou dite face à face. Apprendre à dire merci est fondamental dans la vie et il serait dommage de transformer cette reconnaissance si humaine en un fardeau trop lourd à porter pour beaucoup.

Je vous dois encore une explication concernant les vacances scolaires cette année. Quand, le 26 septembre dernier, je vous ai appelés à ne pas prévoir de longs voyages au cours de cette année scolaire, d’aucuns nous ont beaucoup critiqués. Quand j’ai voulu défendre le droit de chaque enfant d’avoir 170 jours scolaires – droit oublié de tous ! – en prenant sur le surplus des vacances[8], certains n’ont pas compris ! Mais il est temps, à quelques semaines des vacances, de faire la lumière sur ce point. Chers parents, le point de départ de toute décision stratégique à l’école est l’intérêt réel de vos enfants, qui sûrement sont incapables de comprendre et de défendre leur intérêt. J’espère que personne ne doutera de cette donnée fondamentale dans notre relation ! Le recteur du Collège se doit de défendre l’intérêt de chaque élève, en particulier celui des plus petits, et de toujours veiller à ce que le niveau scolaire de l’établissement reste bon. Cela fait partie de l’essence de sa fonction. Bâcler le travail scolaire pour prendre de longues vacances et recourir après aux cours particuliers onéreux[9] pour compenser les jours perdus ne peut guère constituer une bonne stratégie ! Les jours scolaires perdus doivent être compensés au nom du droit de l’enfant et du droit de l’école à garder un bon niveau scolaire. Je suis étonné, et je ne suis pas le seul, de voir certains parents contester avec virulence cette position du Collège. Les discussions, interminables et parfois futiles, sur les réseaux sociaux mettent au grand jour une divergence inquiétante entre l’esprit de l’école et les réactions de quelques parents. J’en appelle à votre appartenance au Collège et à votre fidélité à une institution que vous avez choisie de bon gré, et vous demande de vous abstenir de réagir sur les réseaux sociaux sans prendre le temps de vérifier les rumeurs. Les problèmes de l’école se résolvent à l’école et non sur les réseaux sociaux ou dans les rencontres mondaines. Le comité des parents vous aidera à contacter les personnes concernées pour trouver des solutions pratiques à des problèmes précis. Sans oublier que la discrétion est une valeur nécessaire à une communauté dont le premier souci et la mission essentielle sont l’éducation des jeunes !

Toute ma reconnaissance à ceux qui ont pris la peine de lire cette longue lettre à laquelle il manque encore beaucoup de détails pour cerner la complexité du contexte difficile de cette année. Toute ma reconnaissance aussi à un grand nombre d’entre vous qui continuent à soutenir l’école de plusieurs manières. Je vous prie, chers parents, d’agréer l’expression de mes sentiments les plus respectueux.

P. Charbel Batour, S.J.
Recteur

 


 

[1] Ce qui est contraire à la loi stipulant que toute augmentation du budget de l’année scolaire doit être faite au cours du mois de janvier et ce, après avoir eu l’accord du comité des parents.

[2] Cf. le site officiel de l’éducation de la Compagnie de Jésus dans le monde : https://www.educatemagis.org/. 

[3] Depuis 1997, les écoles privées offrent 15 échelons à l’enseignant muni d’une licence d’enseignement au début de sa carrière alors que ce même enseignant aurait reçu 9 échelons dans le public avant 2010. La différence était de 6 échelons. C’est pourquoi la loi 46 a accordé les 6 échelons aux enseignants du public pour rattraper le retard par rapport au secteur privé. Accorder les 6 échelons au privé creuserait à nouveau l’écart entre les deux secteurs !

[4] Il faut ajouter à ces 24,69% le pourcentage de 1,5 qui correspond à l’augmentation annuelle due à l’échelon ordinaire accordé aux enseignants tous les deux ans. Dans ce cas, l’augmentation de la scolarité au CNDJ sera de l’ordre de 26,19% soit la somme de  1 821 712 LL par élève.

[5] Les scolarités impayées à la fin de 2016-2017 s’élèvent à plus de 500 millions de livres libanaises au CNDJ !

[6] La dernière contribution d’un parent généreux nous a permis cette année de renouveler l’Accueil du CNDJ.

[7] Cf. le site du Collège, le discours du Recteur, adressé à l’ensemble du corps professoral le 11 septembre 2017. (lien)

[8] Le CNDJ fait partie des rares établissements scolaires qui avaient prévu 16 jours de vacances pour Noël, alors que les vacances ordinaires dans les écoles catholiques sont de 10 jours et de 4 jours dans les écoles publiques ! Compenser les jours perdus par des jours des vacances de Noël nous a semblé un moindre mal. Les samedis n’étant pas une bonne solution, puisqu’il s’agit pour certaines classes d’un jour d’examen, et pour d’autres d’un jour de modules de renforcement ou de préparation au SAT. Une autre proposition de prolonger les jours scolaires a été rejetée pour des raisons claires.

[9] Je reçois à longueur d’année des plaintes venant des parents à propos de ces cours. Ils contestent leur prix exorbitant qui peut dépasser 100 dollars l’heure en période d’examen et qui jette injustement un soupçon sur l’ensemble du corps professoral, accusé de ne pas faire le nécessaire en classe pour que les élèves comprennent. Les augmentations prévues aux enseignants nous aideront à prendre des mesures importantes à partir de l’année 2018-2019 pour contrer ce fléau scolaire.


بيان إلى بعض وسائل الإعلام

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