Nous du Collège n°303, juillet 2025
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Peut-on vivre normalement (au Liban) ?
Que d’évènements avons-nous vécus ces derniers mois !
Depuis la rentrée de septembre 2024, rien ne se passe « normalement »…
« Normalement ! » … Mais qu’entendons-nous réellement par « normalité » ? Quelles sont véritablement les normes dans lesquelles nous nous reconnaissons tous ?
S’agit-il de la routine à laquelle nous sommes habitués depuis plusieurs décennies au Liban, à savoir un quotidien marqué par l’instabilité, l’insécurité, les tares des administrations publiques défaillantes, une corruption qui gangrène le pays et avec laquelle nous sommes contraints de vivre mais que nous réfutons toutefois ?
Ou alors, dans notre imaginaire commun, le concept de routine impliquerait-il plutôt le fait de vivre dignement et décemment, en se préoccupant uniquement des études, du travail, des loisirs ou de son foyer ?
Si nous consultons à ce propos le dictionnaire Le Robert, nous y trouvons qu’est « normal » ce qui est courant, « conforme au type le plus fréquent ; qui se produit selon l’habitude ». Cela nous renvoie à l’habitus que Pierre Bourdieu interprète comme un « système de dispositions réglées » que les individus, sous l’influence des conditions sociales, s’approprient de façon durable.
Sans vouloir tergiverser, faisons plutôt le point sur l’année écoulée.
Au premier trimestre, plusieurs évènements, qui peuvent paraître invraisemblables, se sont succédé en l’espace de quelques mois.
Il y a un an, avant les vacances d’été, nous craignions de voir poindre la guerre à l’horizon, et voici qu’elle éclate, fin septembre, quelques jours après la rentrée scolaire, apportant avec elle son lot d’angoisses, d’instabilité et de chaos. Le 28 novembre, une trêve est annoncée. Les Libanais reprennent leurs esprits, tout semble revenir très rapidement à la « normale », à tel point que l’on se demande si la guerre était bien réelle.
Une semaine après le début de cette trêve, plus précisément le 8 décembre 2024, le régime en Syrie est renversé. Des milliers de détenus dans les geôles de Saydnaya sont libérés, parmi lesquels plusieurs Libanais dont les proches n’avaient plus eu de nouvelles depuis des décennies. Cet événement historique constitue un deuxième bouleversement en l’espace de quelques semaines. Mais cela semble exceptionnel et dans un sens anormal.
Quant au deuxième trimestre, il s’ouvre sur l’élection d’un nouveau président de la République, mettant ainsi un terme à deux années de vacance. Un président qui incarne l’espoir et la détermination dans un contexte des plus fragiles et des plus incertains. L’espoir renaît aussitôt chez les Libanais, qui osent enfin espérer vivre normalement. Durant ce trimestre qui s’écoule entre deux grandes fêtes, la vie au Collège est pure effervescence. L’appel à célébrer la vie renaît ; rencontres, retrouvailles, moments de partage et projets divers foisonnent.
Après Pâques, les préparatifs de fin d’année battent leur plein. Fête du Collège, sorties et fêtes de division, remise de prix, etc. sont au rendez-vous et les projets d’été, déjà concoctés. Un retour à notre normalité semble alors envisageable jusqu’à ce que des frappes sporadiques, mais assez intenses, reviennent secouer la banlieue sud de Beyrouth.
Par ailleurs, nous nous retrouvons bon gré mal gré spectateurs d’une guerre entre Israël et l’Iran, qui vient se greffer à notre normalité… Au final, cette guerre (Iran-Israël), qui n’aura duré que 12 jours, ajoute une dimension nouvelle à cette année mouvementée. La peur du nucléaire ou celle d’un embrasement régional dévastateur hante les Libanais.
Mais voilà qu’au lendemain du cessez-le-feu, la page est vite tournée, la vie reprend son cours normal, les vols vers Beyrouth reprennent, la diaspora libanaise manifeste massivement son désir de passer les vacances au Liban. La Promotion 2025 célèbre la fin de son parcours scolaire et ses excellents résultats obtenus au Bac. L’été s’annonce des plus animés, apportant avec lui un tohu-bohu de gaité, comme si l’on voulait prendre sa revanche sur le temps et les aléas de la vie. C’est peut-être finalement ça, notre normalité, continuer de vivre et d’espérer malgré les tempêtes, et trouver la joie en toute chose.
La Rédaction